Un souvenir glaçant

« C’était en avril 1962 , les accords d’Evian venaient d’être signés. Le cessez le feu était installé, j’allais quitter ce pays où j’étais née . Mon père nous emmène une dernière fois à Tichy, notre petit paradis de bord de mer. Notre voiture s’engage sur le pont du barrage de Kerata quand un homme en treillis de camouflage surgit une mitraillette au poing. La voiture ralentit puis s’arrête. L’homme intime l’ordre à mon père de descendre et d’ouvrir le coffre de la voiture. Mon pere lentement s’exécute.
La voix claque :
« L’appareil de photo là, c’est à moi».
Mon père calmement.
«  Non, ce n’est pas à toi »
l’homme répète un peu plus fort

«  Donne , il est à moi! »
La voix ferme de mon père lui répond:
« Non! Il n’est pas à toi ».
Dans le silence qui suit, le claquement du coffre puis celui de la portière de la voiture explosent dans ma tête. Notre père démarre en trombe en criant « aplatissez vous les enfants » . Glacée d’effroi J’aperçois à l’extrémité du pont deux hommes au milieu de la route qui nous mettent en joue. l’accélération brutale de la voiture me plaque au sol. Je retiens ma respiration attendant l’impact des balles , mais seul le vrombissement du moteur couvre notre peur. Une éternité après ma mère dit « Vous pouvez vous relever les enfants » et mon père d’une voix blanche:

«  ils n’ont pas oser tirer».

Je sais qu’iI n’aurait pas hésité une seconde à les écraser.

J’allais avoir dix huit ans .

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